5.07.2009

Opposition, destruction.

Peu de spectacles sont plus décourageants que celui de l’opposition espagnole, indépendamment du parti qui joue ce rôle au sein des différents  théâtres d’expression de la volonté populaire institutionnelle.

Avec le paysage actuel des socialistes au pouvoir –le PSOE- la droite, incarnée en Espagne par le « Partido Popular », est à l’opposition et pratique la politique de la démolition systématique de toutes et chacune des initiatives du gouvernement, quelles qu’elles soient.

À force d’être spectateurs de ce singulier jeu de massacre, les espagnols avons la sensation de contempler les ébats des élèves d’un jardin d’enfance. Tel un enfant en bas âge, chaque politicien de l’opposition charge rageusement contre les faits et paroles de ses homonymes au pouvoir, disqualifiant sans la moindre piété idées, discours, propos, faits et manières, sans nuances ni exceptions.

Le spectacle est pénible pour les individus dotés d’un QI moyen, donc pour la majorité des habitants de la péninsule.

Il paraît évident que si vous ou moi disqualifions quiconque sans lui accorder la moindre possibilité de raison, lui escamotant en conséquence la moindre crédibilité, notre interlocuteur occasionnel  doutera avec raison d’une analyse si radicale et sans fissures et mettra en quarantaine, dans le meilleur des cas, nos propos.

Ce principe qui paraît essentiel, de base, est ignoré dans tous les cas par les porte-voix de l’opposition, ainsi que par tous ses représentants quand ils font des déclarations dans les moyens de communication de tout bord ou quand ils s’adressent à leur clientèle naturelle lors de réunions de parti.

Toutes les facettes de la politique du gouvernement y passent : les mesures anti crise, les affaires étrangères, les rapports avec l’UE, la défense, le récent remaniement ministériel, les finances, la justice, l’intérieur, la solidarité, l’égalité, etc.

Critiquer sans apporter des alternatives paraît un sport  aussi facile que dénué de sens ou au moins de sens positif, juste le contraire de ce qu’on peut attendre d’un patriotisme que la droite paraît monopoliser et dont elle se dit étendard.

La méthode de travail est simple : il s’agit de charger contre tout et contre tous sans d’autre but apparent que la récupération du pouvoir aux prochaines élections législatives, en passant par le palier plus immédiat des européennes. De la casse dans le sens plus littéral du terme.  Rien à foutre de l’élégance, des formes, de la cohérence ou du sens commun. L’exercice ne demande en plus que de bien minces investissements en intelligence, en notoriété, en charisme ou en capacité oratoire. Le plus minable des élus, voire des fonctionnaires du parti fait l’affaire.

Une telle façon d’agir se prête à des situations cocasses si elles n’étaient d’une tristesse infinie. Il est déjà arrivé que des propos tenus quelques semaines ou mois plus tôt par des barons du Parti Populaire soient repris dans le fonds ou dans la forme par un notable du PSOE et soient critiqués illico et sans façons ni mémoire par le préposé aux critiques de service au PP. Surréalisme politique au service de la cause.

L’opinion qui gagne des adeptes c’est celle que j’ai exposé dans les premiers paragraphes de ce texte, me référant aux jardins d’enfance. On en reste songeur sur le travail des légions de conseillers de communication qui sont censés diriger l’image politique, donc publique, de l’opposition et de ses stars médiatiques. Songeurs également sur la possible efficacité de ce travail de sape destructeur non seulement de la politique du contraire mais aussi –et à mes yeux surtout- de la crédibilité des pro de la politique et de la politique en soi-même. De toute la politique.

On brade le pays, on fait feu de tout bois mais surtout du concept de patrie, on se fout pas mal des conséquences pourvu que le but soit l’escompté : vaincre le Parti Socialiste aux législatives dans un peu moins de trois ans quoi-qu’il-en-coûte.

La crise –plus aiguë dans ce pays que dans le reste de l’UE et à l’horizon plus sombre- les plus de quatre millions de chômeurs ou la plus que prévisible chute du tourisme et des ses revenus ne semblent inquiéter des politiciens qui ont vécu traditionnellement en marge de la réalité et de leurs concitoyens. Bande à part ou race à part. Je vous laisse choisir.

À suivre, évidemment.

Pierre Roca