9.18.2013

Récit d'un récit.

Mon ami –et client occasionnel- Pancho Ayguavives me remet ce qu’il a écrit après le décés de Roger, un homme de vingt ans son aîné avec lequel il a lié, dans un délai de quatre ans imposé par les circonstances, une amitié généreuse, aux multiples découvertes et qui a fait de ces deux hommes, aux vies bien remplies mais aux itinéraires divergeants, des amis dans le meilleur sens du mot.

J’y retrouve deux formes de connaissance. Celle de Roger, intensive, vouée au terroir, aux gens qui l’habitent et à la réflexion, regarde de tout près les replis deu paysage, les signaux qui annoncent les saisons, le vol des oiseaux, les changements du temps, les averses, les vents, les nuages et les rapports intimes et souvent mystérieux entre tout cela, la vie et les habitants. Les mécaniques des moissonneuses-batteuses, la race des moutons que l’on perçoit au loin. Le soleil, le vent. Les vents.

La connaissance de l’architecte Ayguavives, en revanche, issue d’une intelligence privlégiée, est extensive et n’a connu d’autres limites que celles de la planète. Voyages, pays, missions, gens, personnages souvent hors du commun, amours, chagrins, découvertes, craintes et toujours, au dessus de tout, une curiosité tous azimuts qui l’a mené -le poisson qui se mord la queue- jusqu’à Roger.

Des points en commun ? Par douzaines, vous vous en doutez. La sagesse qui est arrivée de la main de l’âge, les longues causeries sans vouloir imposer son point de vue, les silences éloquents, les minimes plaisirs si bons à partager.

Des rapports sans doute enrichissants qui ont déposé au fin fond de leurs âmes de braves gens, d’hommes essentiellment bons, les traits à peine visibles de cette sensibilité à deux.

Si vous m’y poussez je vous dirai que c’est du Ramuz aux arômes de vigne et de lavande. Un Ramuz sans horizons de hautes montagnes mais avec la même omniprésence du pays, de la terre, de l’ouvrage bien fait, des arômes qui se faufilent de la cuisine et vous embaument la maison. Les petits métiers, les pantalons en toile, les chaussures qui durent des années.

Lisez donc le texte de monsieur Pancho Ayguavives, architecte de son état, créateur, homme de culture sans en avoir l’air, bonvivant et concocteur des meilleures paellas du Tarn.

Laissez couler la larme furtive si c’est le cas.



AU REVOIR ROGER !
Pancho Ayguavives
30 septembre 2012

Roger Londres, est décédé la nuit du jeudi 27 septembre, pendant qu’il dormait.
Il avait 88 ans

Je connaissais à Roger depuis environ 4 ans, temps très court par rapport à sa longue trajectoire. Je ne peux donc témoigner que sur sa dernière ligne droite.

Je l’ai connu quand il venait d’arriver à la Maison de Retraite de Saint André à Gaillac,  ou j’étais bénévole des VMEH.

Au début, nos rencontres se limitaient à des courtes visites hebdomadaires : il me racontait les étapes de sa vie ou bien il me mettait au courant de son quotidien dans la Maison de Retraite.

Très vite il avait commencé à me lire ses brouillons des poésies en cours d’élaboration. Puis nous avons commencé à travailler en équipe : des qu’un poème était prêt, je le tappais à l’ordinateur.

D’autres jours il me racontait en détail le Canal du Midi, les secrets des moteurs Citroën, ou l’origine du nom occitan « soleilhou ».

Puis, en 2011, il décida d’emménager à l’Oustal de Cahuzac, petite maison de retraite pour quatre pensionnaires. Malheureusement, et malgré les efforts des responsables, dans cette maison il se trouvait trop seul.

Les dimanches j’allais le chercher à l’Eglise du village après la Messe et nous allions souvent dêjeuner au petit restaurant de la place.

Un beau jour il me proposa d’aller déjeuner à la forêt de Gressigne et par la suite il aimait à me proposer chaque dimanche un endroit différent.

Mais malgré tout, malgré que son fils Alain habitant Carcassonne venait souvent le voir, Roger  souffrait trop de solitude.

Depuis 8 mois il vivait au sein d’une famille d’accueil dans la route de Senouillac, où il se sentait beaucoup mieux, entouré d’autres résidents et des membres de la famille.
Nos dimanches étaient bien remplis. Après la Messe à l’Abbaye de Saint Michel, et déjà dans la voiture il me regardait avec un grand sourire et disait : « Cap vers Saint Antonin ! »…ou bien : « Cap vers Monestiés ! », « Cap vers Salvagnac ! »

Nous déjeunions dans une terrasse et puis il m’indiquait l’itinéraire du jour : « Aujourd’hui nous allons visiter la Foire des Battages, ou bien l’abbaye de Beaulieu ou bien le cimetière de Campagnac.

Roger en profitait pour m’informer sur les vignobles que nous traversions et sur les gens qu’il connaissait dans le coin.

Notre dernière escapade, il y a quinze jours, fut à Castelnau de Montmirail, où à la sortie de la Messe les gens venaient nombreux le saluer. Roger était aimé dans la région, et, surtout, il aimait la région.

Roger aimait sa région, la connaissait par cœur et savait l’écrire en poésie.


Roger était un poète de la culture occitane !

Voici un de ses poèmes :

« Le Canal du Midi, merveille de l’époque,
Relie Sète à Bordeaux en franchissant Naurousse,
Le génie de Riquet exclu toute équivoque
Son œuvre sert toujours…la mer vient à Toulouse »



Roger était un homme exigeant.

Il n’était pas un rouspéteur, NON ! Il était simplement un homme exigeant, tant avec soi même comme avec les autres, et par conséquent il savait s’indigner…

« Indignez-vous » disait Stéphane Hessel.

Oui, il pouvait s’indigner tant contre un discours politique comme pour trop de sel dans la soupe de son repas. Il m’appelait pour me signaler une erreur d’orthographe sur un poème mal copié à l’ordinateur ou pour m’informer que le chien de sa voisine dormait dans son fauteuil de l’Oustal !

Il ne comprenait pas les conversations trop rapides, il ne supportait pas qu’on lui coupe la parole, ou qu’une infirmière ne l’écoute pas ou que le téléphone portable ne marche pas. En définitive, il comprenait mal cette époque qui s’accélère sans raison et qui ne prend plus le temps de bien faire les choses.

Le mercredi dernier -il ne savait pas que c’était son dernier jour– le Dr. Combes vint le visiter et il resta longuement avec lui, après quoi Roger lui dit : « Je vous remercie vraiment, vous êtes un bon médecin, parce que vous savez écouter vos patients ! »  

Roger était un homme engagé dans sa foi.

Il était un croyant actif, et pas seulement parce qu’il allait à la Messe les dimanches.

Il avait passé de longues années à parcourir la région pour apprendre le catéchisme aux gens.

Il connaissait les Evangiles par cœur. Roger avait attendu longtemps avant de se décider à me parler de ses croyances profondes, et il raisonnait toujours ses explications par des références très précises dont il se souvenait par choeur : « ceci est écrit dans le chapitre 3, versets 18 à 27 de Saint Mathieu »…etc

Oui, Roger est parti, mais les valeurs qu’il nous a transmises resteront avec nous.

Merci mon ami !

Pancho



Voilà. Je vous encline à ne pas juger à la va-vite le texte que vous venez de lire.

Ça peut vous paraître naïf mais ce n’est qu’un mirage, qu’une impression que deux minutes de réflexion vont diluer.

Ce qu’a écrit mon ami Ayguavives est un texte au respect infini, à l’admiration tranquille et, disons-le, à la tendresse plus qu’évidente.

Prenez le temps de lire, de relire et d’y revenir encore. C’est trop rare et trop vrai pour ne pas y faire attention.


Pierre Roca








9.11.2013

Invento.

Como la mayoría de textos relacionados con la política catalana, escribo este en castellano.

He asistido a la celebración de la Diada en Barcelona.

Mi impresión, superada la intensa emoción de algunos momentos y reposadas las primeras impresiones, es que hemos inventado un nuevo tipo de manifestación, partiendo de la necesidad de excluir las algaradas, las broncas y la violencia de cualquier tipo y conscientes de la necesidad de convencer y de ganar credibilidad, más que de imponer, práctica ésta habitual en la otra parte del binomio.

El modelo que se ha puesto en práctica hoy en el territorio catalán puede parecerse más a una “performance” que a una manifestación convencional de trasfondo eminentemente político. La apreciación puede parecer irónica e incluso frívola pero no lo es. En absoluto.

Mediante el cuidado diseño del acto –la llamada Via Catalana- se ha conseguido que los cientos de miles de participantes se preocupasen de la organización, del horario, de su propia ubicación y de los detalles, dejando poco espacio y menos energía para la bronca, las pedradas y los incidentes que hasta hace pocos años parecían indisolublemente vinculados a ese tipo de manifestaciones.

Un servidor se ha movido por el Passeig de Gràcia y por la plaça Catalunya de Barcelona.

Una delicia. Ninguna tensión, presencia simbólica de la policía, familias, niños, mayores, mucho castellano parlante, gente de todas las razas y ni una frase ofensiva, con excepción de algún amable “adéu Espanya” y un paseo, más que desfile, al lado de los participantes en la mencionada Vía.

Finiquitado el acto el personal ha hecho uso del paseo mencionado como se hacía a finales del IXX, recorriendo en ambas direcciones la más prestigiosa arteria de la ciudad.

Los turistas retrataban, algunos avispados comerciantes paquistaníes vendían “estelades” de origen incierto, los niños comparaban sus respectivas camisetas alegóricas y los adolescentes, ellas con la “senyera” maquillada en la mejilla, ellos bandera en ristre, coqueteaban como debe hacerse a esa edad, cantando de vez en cuando un slogan independentista.

Terminado el acto los servicios municipales han aseado el paseo primorosamente, el tráfico ha vuelto por donde suele y los autobuses han recuperado el servicio provisionalmente aplazado.

Un invento, ya digo.

El acto ha sido importante por la participación y por el sosiego. No por la aspereza, por las sirenas y por la violencia indiscriminada. Incluso el helicóptero que ha sobrevolado la zona durante horas llevaba la bandera catalana pintada en la parte inferior, suscitando así los saludos y aplausos de los que permanecíamos en el suelo.

Se me antoja que para los gobiernos, el catalán, pero sobre todo el del estado español, el argumento de la paz, la calma y la tranquilidad ha de ser más inquietante que el de las vitrinas rotas.

Es fácil atribuir los brotes de violencia a cualquier colectivo más o menos marginal y desacreditar así de un plumazo la iniciativa, pero no lo es tanto digerir el paseo y la reivindicación tranquila de una sociedad cada día más segura de sí misma, de sus derechos y de lo que reclama.

Espero que tomen nota. Yo, de momento, me siento orgulloso de este país –Catalunya- que es el mío.


Pierre Roca