Je suis catalan de Barcelone au passeport espagnol.
J’ai appris la terrible nouvelle de l’attentat à « Charlie
Hebdo » vers 14 h., en entrant à « Au port de la lune », le
restaurant français de mon ami et client Guy Bonrepos. Il m’a montré immédiatement
la tablette avec les images terribles de la télévision française. Un mélange d’images
du lieu des faits, des déclarations des politiciens, de la vidéo d’un voisin et
des noms des victimes.
Guy, son ami Pierre et moi, qui ais le même nom,
bouleversés, cois, sans savoir trop que dire devant un acte criminel aussi
sauvage, exécrable, misérable.
Quand les mots, les nôtres, ont commencé à fuser la
sensation était de ras-le-bol, de point limite. Du besoin impératif de mettre
fin à ces actes qui sont, en plus de crimes, chantage et menace sur nos têtes,
sur nos pays, sur notre culture occidentale.
Un discours où les mots condamnatoires se mêlaient aux
mots que durant tant d’années personne n’a osé prononcer.
Frontières, comparaisons hideuses mais que nous
exprimions sans honte, sentiments longtemps étouffés, mosquées, quartiers
devenus ghettos. La haine présente depuis trop longtemps.
J’ai rappellé à mes amis le fameux discours du président
de l’Australie, dirigé aux immigrants il y a un ou deux ans.
« C’est vous qui prenez la décision de venir
chez-nous. Nous vous accueillons ravis, mais ce n’est pas nous qui faisons appel à vous. »
« Notre langue est l’anglais. C’est à vous de l’apprendre,
pas à nous d’apprendre vos langages. »
« Nous avons nos habitudes, notre façon de vivre et
de nous entendre. Vous devez vous adapter à cela. Ce n’est pas à nous de nous
adapter à vos formes de vie. »
Tout cela peut sembler bien dur, dit et écrit dans l’entourage
culturel tolérant et démocratique qui est le notre, seulement voilà, le crime d’aujourd’hui
a remis en question bien des idées apparemment acquises.
Va-t-on se borner à suivre les procédés habituels, l’enquête,
l’éventuelle détention des assassins, les interrogatoires de rigueur, le bal
des avocats, le ou les procès qui s’enlisent et les peines de prison qui s’estompent
avec le temps ?
Va-t-on parler de pauvres types manipulés ? D’assassins
à solde de mystérieux pouvoirs ?
Et si, par respect aux victimes mais aussi à notre Europe
démocratique, pour une fois et d’une fois pour toutes nous regardons les choses
en face et nous exprimons d’un langage sans feux d’artifice, chargé de raison –de
notre raison, pas celle des assassins- et au sens lourd de conséquences ?
Assumons que les choses, que ces choses-là ne doivent se
répéter. Qu’il faut aller au fond de la question, tuer la vermine et traiter la
zone malade au désinfectant. Ou l’amputer.
Gardons pour une fois les belles phrases, la peur et le
langage dénué de sens.
Exprimons-nous à partir des sentiments et du futur que
nous voulons pour nos fils. À partir du courage.
Chassons la bête.