2.12.2012

Pancho Ayguavives (2).


Le mois d’août 2010 j’ai écrit en ce même site un article sur l’architecte Pancho Ayguavives, décrivant le parcours intense de ce créateur barcelonais installé depuis belle lurette à l’Hexagone et depuis quelques années à Gaillac.

Depuis j’ai continué à suivre de près l’évolution de l’homme et celle du professionnel, quoique dans le cas d’Ayguavives les deux lignes montrent une cohérence peu commune et des objectifs semblants.

La soixantaine largement dépassée, ses intérêts, on s’en doute, n’en sont plus –ou alors pas seulement- à gagner des concours publiques et à bien remplir sa moleskine de nouvelles commandes. L’esprit jeune et issu en ligne directe de la Renaissance, Pancho –un des diminutifs espagnols de François- se passionne de plus en plus pour l’utilité des bâtiments qu’il construit ou refait, pour leur mariage avec le contexte urbain ou rural et pour que les choses, toutes les choses, harmonisent avec les nouveaux besoins d’une société aux changements accélérés.

À cet âge-là on s’attend à la complaisance, à la fatigue ou pis encore, à la passivité, mais ce n’est pas du tout le cas de notre personnage.

Voyez plutôt...

Il y a huit ans, à peine arrivé à Gaillac, l’architecte Ayguavives y fait la connaissance de Danièle Meyer, propriétaire entre d’autres d’une belle construction dans la rue Portal, à mi-chemin entre les places de la Libération et du Griffoul, dans le cœur historique de la ville. La bâtisse est voisine de l’église de Saint Pierre et de la tour Pierre de Brens et très proche de l’Abbaye Saint Michel. À cette époque Danièle Meyer rénovait cette propriété avec une sensibilité et un savoir faire rares qui ont retenu l’attention de l’architecte.

Quelques années plus tard, de nos jours, Pancho Ayguavives habite un duplex de cet immeuble, ayant tout loisir de regarder de ses fenêtres le patio végétalisé central qui se trouve deux-niveaux en dessous et qui constitue le centre d’un très bel appartement de trois-cents mètres carrés qui, comme le reste du bâtiment, a été rénové avec un goût extrême.

De son appartement l’architecte regarde, réfléchit et songe aux possibilités de l’endroit, reliant ses pensées aux besoins actuels de notre société. Cette ligne de réflexion aboutit finalement à une idée claire: la possibilité de convertir appartement et patio en un espace où pourraient loger trois, voire quatre personnes.

Au cours de plusieurs entretiens entre l’amitié et l’architecture, entendue comme une discipline tous azimuts, l’idée de donner une nouvelle vie à cet espace de privilège prend corps entre la propriétaire et l’architecte, aiguillant peu à peu le but vers une formule qui sans être innovatrice est sans doute chargée de futur: la conversion du vaste appartement en logement pour trois ou quatre personnes d’un certain âge –retraitées ou en actif- qui partageraient certains espaces et services communs, tout en gardant des zones privées d’usage exclusif.

Chaque locataire de ce “club” aura donc une suite privée mais pourra participer d’activités, si le cœur lui en dit, dans les zones communes aux dimensions généreuses: cuisine-salle à manger, salon, patio et d’autres. Le tout avec services de cuisine, nettoyage et lingerie assurés sept jours sur sept.

“ll s’agit simplement d’un projet découlant du sens commun et des idées nées des entretiens avec Danièle Meyer” m’assure l’architecte. Mais moi-même j’y décèle la volonté de deux mentalités avancées à leur temps qui s’efforcent pour que les intérêts économiques et les intérêts de la communauté dansent au son de la même musique. Une musique, en plus, qui est celle de l’avenir: l’Europe vieillit, l’espoir de vie s’allonge et il est temps de prévoir des solutions abordables qui ne dépendent pas exclusivement de la manne publique. Des alternatives pour un collectif croissant de gens qui, tout en n’étant plus à la fleur de l’âge, ne sont pas dépendants, se sentent en forme et avec une prévision de nombreuses années de vie. De bonne vie.

Ce n’est pas une révolution mais nous avons là un très bon exemple à suivre.

Je vous en tiendrai au parfum.


Pierre Roca